Nicolas Girardi trio à la Médiathèque de Pessac

par Ivan Denis Cormier, photos Irène Piarou

Depuis leur rencontre au conservatoire de Bordeaux, il y a une dizaine d’années, trois apprentis sorciers des plus talentueux, Flavien You (basse électrique), Vincent Vilnet (clavier) et Nicolas Girardi (batterie) conservaient dans une boîte magique leurs meilleurs tours de passe-passe, l’envie de partager des moments de grâce, et pas qu’entre eux. Samedi 29 mars 2025 la Médiathèque Jacques Ellul à Pessac exauçait ce vœu, offrant à tous un aperçu des merveilles que peut accomplir un trio de cet acabit. En un peu plus d’une heure, rappel compris, l’auditeur découvre un paysage luxuriant de notes savamment ordonnées palpitant différemment au gré des rythmes et structures tout en obéissant à une pulsation immuable, un peu comme des plantes fermement enracinées chahutées par un vent facétieux. Le trio se livre devant nous à une exploration sonore alternant tension et relâchement, douceur et vigueur, complexité et simplicité.

Lauréats du dernier Tremplin d’Action Jazz, ces musiciens brillent par leur immense culture, leur esprit d’ouverture, leur recherche permanente de saveurs uniques, de musiques profondes et originales. Pour ce mini-concert, Nicolas Girardi s’est inspiré avec brio d’Avishai Cohen ou de Go Go Penguin, pour qui mélodie et harmonie sont tributaires du rythme. La dynamique, particulièrement soignée, va de l’intime à l’intense, du presque rien (une cymbale effleurée, quelques percussions à mains nues) à une frappe plus appuyée, plus nourrie, mais toujours parfaitement dosée car les lignes mélodiques doivent ressortir clairement. Un brin de mélancolie transparaît lorsqu’un titre évoque un bonheur passé mais la bonne humeur reprend le dessus. Ayant commencé par mesurer le temps au métronome pour s’employer toute sa vie durant à le rendre musical, Nico Girardi a d’abord pris de l’avance sur le temps métronomique en apprenant à jouer jazz, puis du recul sur son métier et sa pratique. Aujourd’hui, en sortant Tic Tac du chapeau, il prévient avec un clin d’œil : ce titre est un leurre, la tournerie se veut tout sauf prévisible.

Tandis que les pieds et les mains de Nico sont à l’œuvre, Vincent et Flavien posent délicatement les leurs sur ce tapis rythmique, introduisant respirations et notes syncopées, un soupçon d’Herbie Hancock chez Vincent, voire de Louis Armstrong lorsque en fin de concert Flavien chorusse sur sa basse en retenant ostensiblement certaines notes, produisant cet effet de bonhomie et de nonchalance suprême devenu l’apanage du blues. Moralité : prendre des libertés avec le métronome c’est dépasser le mécanique et devenir humain.