Chucho Valdés Royal Quartet à Pau

Texte et photos Vincent Lajus

Le Foirail Pau le 21 avril 2025.

C’est dans le cadre de Jazz à Pau cuvée 2024-2025, que Stéphane Kochoyan, maître de cérémonie et directeur artistique de l’événement, nous a encore une fois offert un grand moment d’émotions en invitant le Chucho Valdés Royal Quartet. Tout est dans le titre : le Roi de la musique cubaine est présent parmi nous en ce soir du mois de Mars.

De Chucho, puisqu’il suffit d’évoquer son seul prénom pour savoir immédiatement de qui on parle – privilège des plus grands comme Miles, Dizzy, PatBill, Carla et bien d’autres, on pourrait bien sûr évoquer une carrière étalée sur 60 ans (!), citer une quantité astronomique de musiciens avec qui il a collaboré, qu’il a découvert, fait éclore et rendus mondialement célèbres comme Paquito d’Rivera, Arturo Sandoval, Orlando « Maraca » Valle le Maître des flûtes, etc…

On pourrait aussi évoquer ses talents de pianiste prodige, diplômé du conservatoire de la Havane à 14 ans, avec des mains immenses, souples, dynamiques, pouvant tout aussi aisément bercer l’auditoire sur des Clair de Lune debussiesques, que marteler le clavier façon congas pour des tumbao irrésistibles. Sans parler de ses talents de compositeur, arrangeur, chef d’orchestre. Bref ! Qui dit mieux ?

On pourrait aussi parler des 14 Grammy récoltés au fil de ses créations, de ses albums, et couronnés (rien de plus normal pour un Roi) par un Latin Grammy honorifique pour l’ensemble de sa carrière ; évoquer son père aussi, le très célèbre Bebo, son attachement viscéral à son île  – qu’il refusa de quitter lorsque son père s’exila suite à la révolution castriste, et à la culture cubaine qui coule dans ses veines ; ses innovations, car c’est bien lui qui, avec Irakere, a renouvelé le genre afro-cubain autour du monde dans les années 1970 et ’80.

Du haut donc de ses 84 ans et toujours aussi inspiré et technique, Chucho nous invite ce soir à célébrer avec ses compadres la musique cubaine mais pas que, puisque la caractéristique principale de ce courant musical est d’avoir toujours su greffer les influences du monde entier dans son corps sans jamais renier ses racines profondes, car ce que nous nommons par habitude facile « la musique cubaine » est déjà un mix d’influences africaines de l’Ouest et de conventions européennes classiques. Pour les curieux et les autres d’ailleurs, je vous invite fortement à réécouter en podcast l’extraordinaire série d’émissions concoctées par Marcel Quillévéré sur France Musique : « Carrefour des Amériques ».

Ce soir donc, place à la musica hibrida (dixit Chucho), cette manière si particulière et unique qu’ont les cubains de s’approprier avec un naturel déconcertant tous les styles, du classique au tango, de Mozart au Jazz classique et moderne. Binaire, ternaire peu leur importe : c’est toujours avec le même sourire et un sens du jeu (au premier sens du terme) imparable qu’ils vont vous faire croire que c’est facile. Ils s’amusent ! Et nous avec !
Vont donc se succéder tout au long de la soirée des compositions originales, des reprises – comme Armado’s Rhumba qu’il enregistra avec Chick peu avant sa mort en duo , des standards, des extraits de pièces classiques. Bref ! toute une flopée de références connues ou moins, qui vont encore une fois mettre cette évidence cette caractéristique cubaine d’inclusion artistique.

Nous aurons droit également à des battle de percussions époustouflantes entre Horacio « El Negro » Hernandez au sommet de son art (jamais un coup en trop et une imagination sans limite) et le jeune  Roberto Vizcaino Jr (27 ans), si inspiré et fougueux. Les deux « monstruos » se rendant coup pour coup avec beaucoup de malice et de complicité. Tant est si bien que Chucho va se mêler parfois à leurs joutes en martelant son clavier qui, comme pour tous les instruments acclimatés à l’essence cubana, se transforme comme par miracle en outil de percussions.
Les tumbao à la basse de Jose Armando Gola sont bien sûr à la hauteur de l’événement. On n’intègre pas un tel Quartet sans avoir de solides références, lui qui a accompagné des artistes comme Arturo Sandoval (tiens, tiens!..), Alejandro Sanz, Francisco Céspedes, et Gonzalo Rubalcaba ces sept dernières années.

Et la soirée passe bien sûr trop rapidement. Chucho et ses compadres nous délivrent un rappel en guise d’Hasta luego, jouant cette fois avec le public de la salle comble et conquise pour le deuxième soir consécutif, comme de bien entendu, tant de telles rares affiches ne peuvent qu’attirer la foule. Deux heures de delectación. Sabraso ! Gracias Maestro !