Madame Paule : Mise à nu(e)

par Philippe Desmond

Théâtre en Miettes, Bègles le samedi 25 février 2023.

Samantha Grassian : chant, comédie / Nolwenn Leizour : contrebasse / Agnès Pelé : violon, voix / Laurent Mastella : guitare

Claire Couture : auteure

Samantha Grassian et Jean-François Kogane : chansons

Olivier Gerbeaud : mise en scène

Tom Rojouan : régie son et lumière

Les parois entre les différentes formes de spectacles sont de plus en plus poreuses, la danse, le théâtre, le cirque mais souvent avec un dénominateur commun, la musique et c’est comme ça que me voilà ce soir à retrouver des musiciens de jazz que je cotoie habituellement, dans une pièce de théâtre, certes musicale, mais pour un exercice bien différent.

C’est « Madame Paule » qui nous réunit, une pauvre fille de famille qui a raté sa vie, vivant dans la rue, chanteuse qui a mal tourné alors que sa mère était une diva. Une mère serbe de Belgrade, qui l’écrasait, l’étouffait et lui a provoqué ce désir d’indépendance qui l’a conduite à la rue. Cette histoire inventée par l’auteure Claire Couture est en fait bâtie sur les chansons écrites et composées par Samantha Grassian (avec Jean-François Kogane ) comédienne et chanteuse, qui incarne Madame Paule. Samantha avait ainsi un répertoire d’une quarantaine de chansons dans laquelle, avec Claire, elles en ont puisé une quinzaine, celles qui pouvaient fonctionner autour d’un personnage de fiction très fantasque.

Madame Paule avec ses allures de la Gigi des Visiteurs en robe de tulle, s’avère vite, par contre, très lucide sur sa vie, ses tracas, ses origines, sa solitude, ses rapports aux autres et avec sa mère et son libre arbitre. La sémillante Samantha Grassian incarne cette fille foutraque avec brio et fantaisie, servie par une mise en scène précise très réussie et esthétique.

Et les musiciens là-dedans ? Justement leur « utilisation » est très astucieuse, ils constituent la conscience de l’héroïne, bonne ou mauvaise, la rappelant à l’ordre quand elle dit des mensonges, lui mangeant le cerveau lors de ses crises de névroses, amplifiant ses moments de folie douce ; des valses, du rock, un peu de jazz, de la musique des Balkans et bien sûr l’accompagnement musical des chansons. Leur présence en est des plus naturelles. Une vraie réussite.

Très vite le public se laisse embarquer par ce sacré personnage virevoltant, plein de fraîcheur, de vitalité mais aussi de lourdes questions et qui finit par se libérer de son passé. On ne voit pas le temps passer. On rit aussi beaucoup devant tant de gouaille.

Samantha déploie une énergie communicative et confirme ses talents de comédienne et de chanteuse. Les paroles de ses chansons méritent d’être entendues, de vrais textes pleins de finesse avec toujours une pointe d’humour. La complicité avec Nolwenn Leizour, toujours aussi excellente, qui souvent la rappelle à l’ordre, avec Agnès Pelé impériale au violon et aux vocalises, qui apporte un brin de folie et avec Laurent Mastella, impeccable à la guitare, est manifeste.

Une très habile fantaisie théâtrale et musicale pleine de bonnes idées. Souhaitons des reprises de la pièce qui vient de triompher à quatre reprises au Théâtre en Miettes de Bègles.

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