
Figures du silence
Patrick Martineau & Serge Mariani
Auto-édition
20 euros. Marque page collector offert.
patrick.martineau@jzzm.fr
Par Patrick Dalmace
Patrick Martineau sillonne la France, shootant inlassablement les jazzmen et jazzwomen, capturant, la plupart du temps en noir et blanc – c’est plus expressif pour le jazz- non seulement l’homme, la femme, mais aussi la lumière qui leur donne vie et laisse filtrer ce qu’ils, elles, ont à exprimer. Mais cette fois Patrick Martineau offre des musiciens… qui ne jouent pas. L’instrument est là mais il se tait, c’est le silence. Tout le regard du photographe est porté sur ce qu’exprime l’interprète à travers ce silence qui tout comme le silence sur la portée, a une profonde signification que -et c’est la valeur du cliché- le talent de l’artiste (cette fois l’artiste est le photographe) fait rejaillir. Il fallait à Patrick Martineau, bien sûr une connaissance de son art, mais aussi de la musique, du jazz ici, pour pouvoir capter ce silence significatif, le silence du piano, du saxo, de la trompette ou de la contrebasse, batterie… mais aussi le silence du chant. Ce silence met alors en évidence une attitude, un visage qui permet de plonger au cœur du musicien dont on ressent qu’il est, lui, plongé dans la musique, sa musique qui un instant après, va jaillir de son instrument. Parfois on devine que c’est l’inverse, la musique vient d’exploser avant le silence et le visage exprime un autre sentiment.
Chacune des photographies de Patrick Martineau est accompagnée d’un très court texte de Serge Mariani, qui a lui-même pioché dans les albums de Patrick pour faire son choix. Il n’a pas privilégié des « monstres » du jazz, s’il en reste, mais des acteurs du jazz du quotidien. Et probablement que la perception de Serge n’est pas la même que celle de Patrick… Les quelques phrases qui ne sont nullement des « commentaires » des 25 photographies ou leur illustration par des mots sont inspirées du silence du musicien, mais d’un silence entendu par Serge et qui, pas plus qu’il n’est le silence entendu par le photographe, n’est nécessairement celui que le lecteur entend. « Que va-t-il se passer dans l’instant qui va suivre ?» a entendu Mariani mais Simona Premazzi, pensive, n’était-elle pas en train de ré-entendre sa prestation ?
Sclavis ? Écoute-il ou pense-t-il ? « Attendre sur scène qu’il se passe quelque chose à quoi répondre » : peut-être que le trompettiste Hermon Mehari attend l’instant suivant mais peut-être savoure-t-il ce qu’il vient de donner à entendre… Que contient le silence de Daniel Humair ou celui de André Ceccarelli, tous deux bras croisés ? La même chose ? A quoi pense le tromboniste Fidel Fourneyron ?
Ce livre de silences permet en réalité à chaque lecteur d’emboîter le pas à Serge Mariani et d’écrire ce que les silences des clichés de Patrick Martineau lui inspirent. Le lecteur devenant ainsi un créateur, tout comme Patrick Martineau et Serge Mariani.
