Festival Jazz et Garonne 2025 #1/2

Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat et Solange Lemoine

Vendredi 10 octobre 2025

C’était la 15ème édition de ce festival créé par l’association les Z’Arts de Garonne avec aux commandes Myriam Esparcia et le musicien Eric Séva. On trouve toujours ici une programmation de très haut niveau dans une esthétique jazz bien sûr mais aussi musique du monde. La notion de métissage, culturel et ici musical, a toujours été une priorité pour Eric Séva et en ces périodes difficiles, elle reste une nécessité.

Animations avec le duo africain Visseho/Ameada à la médiathèque de Marmande, projection de « Blue Giant » au cinéma le Plaza, spectacle pour les scolaires avec le très joli « Duologie » de Laurent Maur et Emilie Calmé ont déjà permis la diffusion du festival à un large public, place maintenant aux concerts.

Laura Kipp « Sunset Balcony »

https://www.laurakipp.com/about-2/

Laura Kipp : chant / Jens Loh : contrebasse, compositions / William Lecomte : piano / Daniel Mudrack : batterie

Invité : Eric Séva : saxophones soprano et baryton

Laura Kipp est une chanteuse allemande, titulaire d’un PhD (doctorat en philosophie) qui, entre autres projets, collabore avec le contrebassiste allemand Jens Loh depuis 2017. « Sunset Balcony » est leur deuxième opus, sorti en 2023 ; Jens en a composé tous les titres. Sunset Balcony

Mais c’est avec un titre du premier album, « Racines » , qu’en duo voix-contrebasse le concert débute. Entrée en matière élégante et délicate, une contrebasse mélodieuse, une voix claire au léger vibrato, je découvre en sur scène cette artiste ; Jens Loh, nous avions eu plusieurs fois l’occasion de l’entendre. Laura Kipp a vécu à Paris où elle a étudié – elle est d’ailleurs parfaitement bilingue,trilingue même avec l’anglais – et nous présente le nouveau titre « Our Garden » écrit en souvenir de son parc préféré, le Jardin du Luxembourg. La musique de Laura Kipp balance entre jazz, pop, soul, elle est à l’aise partout portée par des musiciens remarquables. William Lecomte quand il se lâche au piano est inarrêtable, il vit ses chorus confirmant s’il en était besoin l’attrait que certaines grandes figures ont eu pour lui. Rythmique impeccable avec un Jes loh rayonnant de maîtrise et un batteur présent à bon escient et jaillissant quand il le faut. Bonus ce soir aves la présence d’Eric Séva qui va nous proposer des interventions vraiment inspirées et contrastées, le sax soprano alternant avec le baryton.

Voilà « Oh, I could Write a Book » une ballade pop magnifiée par la prestance scénique de Laura Kipp. Voilà « Prayer » relatant la tragédie ukrainienne , pleine d’émotion. Les textes de cette artiste sont aussi de qualité . « Johnny the fly » dans un registre pop soul est plus léger et le groupe le fait bien groover, Daniel venant y plaquer un joli solo de batterie. La bonne impression que m’avait laissé l’album est ici plus que confirmée par le live que rien ne peut remplacer. Une prestation scénique de grande qualité pour lancer cette série de concerts du festival.

PS : lors du concert William Lecomte a tenu à rendre hommage à son professeur d’harmonie, originaire de Marmande et disparu il y a 20 ans, le pianiste Bernard Maury. Devenu proche de Bill Evans (voir photo ci-dessous ; il était le parrain de son fils) il fut une sorte de Nadia Boulanger pour bon nombre de pianistes et pas des moindres ! Allez voir sa fiche : Fiche Wiki Bernard Maury

Renaud et Solea Garcia-Fons  » Blue Maqam »

Renaud Garcia-Fons : contrebasse, compositions / Solea Garcia-Fons : chant et danse / Stéphan Caracci : vibraphone et marimba midi / Jean-Luc Di Fraya : percussions.

J’évoquais plus haut le métissage cher au festival, le voici avec ce projet du grand contrebassiste. Il est associé à sa fille qui va chanter en huit langues (j’en ai compté neuf…) : français, anglais, espagnol, italien, grec, gaélique, persan, arabe, hébreu. Elle en pratique couramment quatre, les quatre premières et actuellement apprend le grec m’a-t-elle confié !

J’avais eu l’occasion de voir ce spectacle cet été lors du festival de Capbreton. Scène en plein air, public mouvant (concert gratuit) avec ainsi des conditions moins feutrées qu’ici ; j’étais resté sur des impressions mitigées. Dans l’écrin du théâtre Comoedia, le concert de ce soir a été une véritable découverte de la beauté de cette musique.

Le son de ce quartet est différent de tout ce que l’on peut entendre, mené par celui de la contrebasse de RGF . Cordes pincées, frottées, frappées à l’archet – on croirait un oud – , une cinquième corde plus aiguë que la normale rapprochant par moments l’instrument du violoncelle, parfois même du violon, c’est une signature de l’artiste à nulle autre pareille. On a droit aussi bien à de la douceur qu’à des envolées rythmiques puissantes, naviguant entre world et jazz, nous prenant par la main pour des voyages en Inde,en Orient, en Irlande même. Solea chante parfois d’une voix céleste, danse avec grâce – blessée, elle n’avait pu le faire à Capbreton – soutenue par le son enjoué du vibra ou du marimba, portée par la créativité de Jean-Luc Di Fraya aux commandes de son atelier de percussions. On entend une musique d’une précision extrême, des unissons d’un autre monde, contrebasse, vibras, voix ou contrebasse, vibra, percussions lors d’un titre instrumental rapprochant les sonorités de l’Inde des rythmes afro-latins. .

Tout cela n’est pas le fruit du hasard, pour avoir assisté aux balances, j’ai pu apprécier le sérieux et la méticulosité de la préparation du concert ; deux heures de travail de dentelle à soigner le moindre détail, le tout dans une ambiance détendue. A ce propos il est temps de féliciter les équipes techniques de son et de lumière pour leur formidable travail.

Il est tard, les musiciens vont jouer demain à Roanne, une grosse demi journée de train les attend, TGV via Paris puis Lyon, puis TER, face cachée pour le grand public de ce métier de musicien qui certes est une passion mais qui est chronophage et fatigant pour le corps. leur mérite est ainsi encore plus grand que de nous offrir de telles prestations.

A suivre…

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