Chez Alriq – Guitares du monde. Juan Carmona, Jean-Marie Ecay, Sébastien Giniaux

Sous les cordes, le soleil

par Vince, photos Philippe Desmond

Mercredi 12 juin 2024

Parmi la luxuriante programmation estivale de la maison Alriq, «The» guinguette de la rive droite, il fallait absolument cocher la soirée du 12 juin. Depuis plus de 30 ans, cette institution bordelaise a vu défiler des artistes locaux et des pointures internationales, invités à partager la petite scène abritée d’un velum, sous les feuillages et les lauriers roses.
https://www.laguinguettechezalriq.com/programmation/

C’est dans cette simple alcôve que Juan Carmona réunit un trio guitares formé de Jean-Marie Ecay et Sébastien Giniaux.

Le CV de chacun d’eux, épais comme une encyclopédie, ne pourrait tenir dans cette chronique, mais pour celles et ceux qui seraient curieux, retenez que Juan Carmona est considéré comme l’un des plus grands artistes de la guitare flamenca actuellement. Plusieurs de ses albums ont été nommés aux Latin Grammy Awards. Originaire d’Andalousie, Juan Carmona s’initie à la guitare flamenca à dix ans et remporte le grand prix du concours international de Jerez de la Frontera. Il se produit aussi avec des jazzmen tels que Chano Domínguez, Baden Powell, Jan Garbarek, et plus récemment Al Di Meola, Mino Cinelu, Leonardo Genovese, Horacio Hernandez.

Mélodie nocturne avec J Carmona : https://www.youtube.com/watch?v=34QXLtgPkik

Natif de Saint-Jean-de-Luz, Jean-Marie Ecay est un peu le régional de l’étape. On trouve sa signature sonore depuis plus de 30 ans sur de nombreux projets : Didier Lockwood, Alain Caron, Billy Cobham, Randy Brecker, Gino Vannelli, Claude Nougaro, Richard Galliano, Eddy Louiss, Jean-Pierre Como, Dee Dee Bridgewater, Marc Berthoumieux, Higelin, Stanley Clarke et Barbara. Ses compositions, ses albums, son style fusion jazz rock blues et son investissement local (patron du festival Guitaralde à Hendaye pendant 12 ans) en font un artiste singulier, virtuose internationalement reconnu et un bonhomme d’une généreuse simplicité.

Bras dessus de JM ECay : https://www.youtube.com/watch?v=IrNS6E7O1TM

Le benjamin des trois, Sébastien Giniaux débute le violoncelle à 6 ans au conservatoire de Bourg-la-reine mais découvre la guitare et les musiques traditionnelles d’Europe centrale à 18 ans, et apprend cet instrument seul, avec pour référence un certain Django Reinhardt. Il se produit actuellement en sextet autour de son projet « Mélodie des Choses » et remplace Rocky Gresset, (le complice de Thomas Dutronc), annoncé initialement pour cette mini tournée en trio.

Jazz manouche by Sébastien Giniaux : https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=s%C3%A9bastien+giniaux+concert#fpstate=ive&vld=cid:1a180414,vid:X9wsI8ocKrQ,st:0

Le set débute par deux compositions de Juan Carmona qu’il joue en solo. Évidemment le soleil d’Andalousie transpire sous ses doigts et réchauffe le courant d’air un peu frisquet de ce mercredi de juin.

Jean-Marie Ecay prend la suite et, sur sa guitare électrique amplifiée, décoche un blues qui fait mouche. Le contraste est intéressant et donne immédiatement une couleur différente au set.

A l’arrivée de Sébastien Giniaux sur scène, l’offre artistique prend encore une nouvelle nuance. Le toucher plus classique et la narration changent encore de genre et sa petite citation de la Marseillaise déstructurée résonne comme un écho à la situation politique actuelle tout aussi chamboulée. Coïncidence ou clin d’œil ?

Juan et Jean-Marie prennent place pour interpréter une version délicieuse de « Manhã de Carnaval » de Luiz Bonfa et Antonio Maria, extrait du film Orfeu Negro.

Le trio se réunit enfin pour jouer de « Almadia », un joli titre de Jean-Marie Ecay, enregistré sur l’album World énergie blues. Cette belle ballade dont il a le secret tourne folk ad libitum et le soleil réapparaît avec le tube « Sunny » dans lequel Sébastien cite le thème de James Bond. Au service secret de sa majesté guitare, lui aussi fait des étincelles.

L’été n’étant ni venu, ni commencé officiellement, le trio entame « Estate » de Bruno Martino. Cette chanson italienne de 1960 devenue un standard de jazz international, immortalisée par Claude Nougaro, commence par la mélodie des « Demoiselles de Rochefort » de Michel Legrand. Je ne sais pas si c’est très clair, mais, à l’écoute, en live, la facétie fait son petit effet. On se dit, tiens je connais, ces sœurs jumelles, nées sous le signe des Gémeaux et puis… non !

C’est tout l’esprit du jazz et l’état d’esprit de ces trois pointures conjugués ; une maîtrise totale de l’instrument au service du plaisir. Plaisir de jouer, plaisir de partager, plaisir de faire plaisir. Après deux ou trois titres en plus, le rappel livre une version de « Spain » que Chick Corea et Paco de Lucia doivent encore siroter du haut de leur nuage. Du bord de la Garonne, le public, réchauffé par le brasero de notes, déguste lui aussi ce dernier morceau jusqu’à la dernière goutte.

Le trio des « guitares du monde » aura réussi à ensoleiller ce frais printemps comme il l’aura fait une demi-douzaine de fois ces derniers jours dans le grand sud.

L’humilité des grands artistes se mesurant souvent à l’attention, qu’ils accordent aux autres, Juan Carmona et Jean-Marie Ecay ont accepté de partager quelques instants après le show et le casse-croute à Philippe Desmond et Vince.

Les projets nombreux et divers nourrissent leurs parcours depuis toujours. Juan vient notamment de terminer le premier festival de Basse Terre en Guadeloupe et une tournée avec Al di Meola. Son approche pointilleuse et puriste de la guitare flamenca ne boude pas pour autant le format tout aussi minutieux du jazz, mais cette exigence est au service du beau et de l’émotion partagée.

Set list certainement incomplète !

  • Perla de oriente
  • Pipindorio
  • Miguelete
  • De Casablanca à Granada
  • Manha de carnaval
  • Almadia
  • Sunny
  • Estate

Rappel :

  • Spain