Blue Mojito

Trio chant, guitare, percussions aux tonalités de l’Amérique du Sud mais pas seulement

Concert au Pôle Saint-Exupéry de Sainte-Eulalie, 28 novembre 2025.

Par François Laroulandie

Natacha Roscio, chant / Nicolas Bombard, guitare /Matthias Labbé, percussions

La petite salle de spectacle du Pôle Saint-Exupéry était bien remplie ce soir pour le concert de sortie de résidence du trio Blue Mojito. Cette jeune formation créée en 2020 autour de Natacha Roscio, artiste pluridisciplinaire, metteuse en scène, scénographe, chanteuse installée à Bordeaux, propose un voyage au travers de standards de l’Amérique latine où l’Argentine, pays de ses origines familiales, tient une place privilégiée. Un répertoire ouvert où les standards jazz et bossa nova côtoient des textes de poètes ou compositeurs peu connus en France mais qui font partie du patrimoine culturel de l’Amérique du Sud. Natacha chante en espagnol, en portugais du Brésil, mais aussi en français pour des compositions personnelles.
Elle est accompagnée par le guitariste bordelais Nicolas Bombard, soliste du groupe de swing manouche Les gosses de la rue et que l’on retrouve au sein de plusieurs formations dans la région, diplômé de l’American School of Modern Music, influencé entre autres par le jeu de Bireli Lagrène ou de Pat Martino. Le trio intègre également depuis 2021 le percussionniste Matthias Labbé, qui apporte la richesse de ses multiples influences, indiennes, orientales et latines.

Un tube planétaire, mais chanté en espagnol, pour commencer en douceur : ‟Suave me mataˮ. Une sensation de bien-être émane de l’univers sonore de ce Blue Mojito trio, le bleu couleur des océans, de certains cocktails, de la robe se scène de Natacha, et l’exiguïté de la salle est là un atout pour un concert intimiste. Guitare enjouée et précise, percussions effleurées à mains nues, tempo mesuré, voix chaleureuse, veloutée, le charme d’une mélodie envoûtante que l’on reconnaît dès les premières notes : ‟Killing me softly with his songˮ, une interprétation de Omara Portuondo aux accents de Cuba.

Natacha compose également, c’est l’occasion ce soir de nous présenter quelques titres élaborés et testés auprès des enfants des écoles de Sainte-Eulalie durant cette semaine en résidence. Des textes touchants et sensibles chantés en français sur des airs de bossa nova brésilienne : Milevaˮ, ‟Marchande de joieˮ, ‟Souris, sourisˮ, ‟A pied de la porteˮ, ‟Boire un théˮ. Des moments de fragilité où Natacha donne à entendre ce qui l’émeut, ses passions, ses souvenirs, la rencontre avec l’Autre.

Le cœur de Blue Mojito bat du côté de l’Argentine, du Brésil, des musiques et des rythmes qui ont fait le tour du monde, exportées notamment par les artistes qui ont trouvé refuge en Europe à l’époque des dictatures. Bossa nova, danzón, milonga, le trio contribue à perpétuer ces musiques populaires, à nous faire connaître des compositeurs peu connus hors de leurs pays d’origine mais dont les œuvres font partie du patrimoine. En introduisant le morceau suivant, un texte du compositeur uruguayen Alfredo Zittarosa, ‟El violin de Bechoˮ, sur un air de milonga, ce genre argentin de tango populaire, le chant en espagnol de Natacha se fait plus intense, l’émotion est là, exprimée dans une langue riche d’imaginaires. La musique n’est pas un simple accompagnement, elle a sa voix propre, la complémentarité des cordes qui claquent avec douceur et de ces percussions aériennes, en subtilités. Un titre envoûtant.

La langue portugaise, chantée au Cap-Vert ou au Brésil a ce quelque chose en plus qui intime au corps ces lentes ondulations de la morna ou de la bossa nova. C’est la langue qui exprime le mieux l’indéfinissable saudade, cette mélancolie délicieuse, dont Césaria Evora est lune des voix magistrales dont le trio interprète ‟Tiempo y silencioˮ, suivi d’une autre grande voix, celle de Caetono Veloso dans un hommage au poète Torquato Neto avec le titre ‟Cajuinaˮ.

Si nous avons pu apprécier ce soir un répertoire riche et diversifié, une mention spéciale à Natacha pour son interprétation de deux textes bouleversants de Alfonsina Storni, poétesse féministe et avant-gardiste argentine du début du XX° siècle, qui s’est suicidée dans l’océan en 1938. ‟Yo en el fondo del marˮ et ‟Hombre pequenitoˮ, deux textes habités avec une émotion communicative par la chanteuse et ses deux musiciens.

Après la note plus légère, joyeuse même, de ‟Boire un théˮ, composition personnelle  chantée en français, un standard de bossa nova pour le rappel, ‟A Felicidadeˮ de Antonio Carlos Jobim avec les paroles de Vinicius de Moraes, évoquant la fragilité du bonheur. Le message est bien passé ce soir.

Set list : ‟Suave me mataˮ (Omara Portuondo) ; ‟Milevaˮ ; ‟Marchande de joieˮ ; ‟Souris, sourisˮ (Natacha Roscio) ; ‟El violin de Bechoˮ ( Alfredo Zittarosa); ‟Tiempo y silencioˮ (Cesaria Evora) ; ‟Cajuinaˮ ( Caetano Veloso) ; ‟En el fondo del marˮ (Alfonsina Storni) ; ‟A pied de la porteˮ (Natacha Roscio) ; ‟Hombre pequenitoˮ ( Alfonsina Storni) ; ‟Boire un théˮ (Natacha Roscio).
Rappel : ‟A felicidadeˮ (Antonio Carlos Jobim).