Andernos Jazz festival 2025 – Jour 3
Par Philippe Desmond, photos Géraldine Gilleron et Philippe Marzat
Dimanche 27 juillet
Le Gospel du quintet de Monique Thomas
Mauvaise surprise, les prévisions météo hésitaient mais il a plu très tôt le matin, la scène du jardin Louis-David et le parc sont trempés. Le concert de gospel doit être déplacé sur la scène de la jetée qui, elle, est couverte. Léger contretemps que les techniciens, si efficaces au long du week-end, vont gérer avec sang froid. Plus de messe désormais, c’est un festival de jazz et ses dieux sont suffisamment nombreux. Mais du gospel quand même, cet aspect religieux de la musique est un chapitre important du jazz. Et quand on dit gospel dans la région on pense à Monique Thomas et ses copines Thalie Bernard, Célia Marissal et Tiana Razafy ; pour les accompagner à l’harmonium, plutôt à l’orgue, celui que certains appellent le Révérend, Hervé Saint-Guirons. Certes la culture française est loin de ces ferveurs religieuses de nos amis d’outre Atlantique mais le succès de ce type de concert est toujours assuré, le public finissant par oser chanter, même s’il faut insister et ça Monique sait le faire. En leader elle dirige aussi ses camarades avec humour, non sans les amener sur des chemins qui n’étaient pas forcément prévus. Mais elle sont réactives et surtout de très bonnes chanteuses. Toujours joyeux ce concert.
Yvi Duo invite Johan P’Mbo
Bref changement de plateau, balance express et accueil formidable pour ce trio insolite : un saxophoniste de jazz, une guitariste de flamenco et un percussionniste latino. Un mélange d’influences musicales diverses qui va s’avérer très créatif. Quand par exemple la « St James Infirmary » rencontre la cumbia et son rythme latino c’est une expérience inédite. La preuve, l’adhésion du public de l’Esplanade de la Jetée qui va vite se mettre à danser. Et que dire de la joie qui s’en empare aux notes de « Quizás, quizás, quizás ». Il faut dire que les trois sont de sacrés musiciens. On connait la virtuosité et la verve de Valentin vu récemment à Monségur au sein du groupe Dexter Gordon Legacy, mais personnellement je n’avais jamais entendu Eléonore et sa technique de guitare flamenca, maîtrise parfaite du golpe cette manière percussive de jouer, des battements dynamiques vers le bas puis le haut. Associé aux percussions très riches de Johan l’ensemble propose une sonorité globale vraiment originale. Ils ont fait un tabac ! Décidément Eric Coignat a vu tout juste cette année et ce n’est pas fini.
Grappelli my love
Il est 18h30, la plage n’a guère attiré de monde, pas très chaud, pas d’eau (marée basse) alors les gens arrivent en nombre sur l’Esplanade de la Jetée. Apéro, glaces et musique ! On a déjà vu ce trio retraçant une partie de la carrière de Stéphane Grappelli et c’est avec plaisir qu’on les retrouve. Il faut dire que le projet est une réussite, le leader n’ayant rien à envier question sonorité au violoniste légendaire. Une écoute attentive du nombreux public va être le gage de cette qualité musicale. Grappelli fait partie de la culture générale d’un public non spécialiste de jazz et cette formule acoustique est d’une accessibilité immédiate. La présentation sobre mais instructive de David rajoute à l’intérêt de la chose. Voilà dans la diversité des propositions du festival un aspect très intéressant et finalement pas si courant ; on parle beaucoup de Django, moins de Grappelli. encore un bon point Monsieur Coignat !
David Abeijon: violon / Eddie Dhaini : guitare / Aurélien Gody : contrebasse
Fabien Mary quartet
Ce quartet n’était pas prévu au départ on devait avoir le trio de Dédé Ceccarelli mais celui-ci s’est cassé le pied et ne sera véritablement remis qu’à l’automne, alors Eric Coignat est allé chercher Fabien Mary, une des valeurs sûres du jazz français. Trompettiste, arrangeur, compositeur, chef d’orchestre, il est un de nos plus fameux musiciens de jazz de l’hexagone. Il est un des tenants du be-bop et du hard-bop, ces courants révolutionnaires à leur époque et qui semblent bien classiques désormais ; ils représentent pour beaucoup le vrai jazz ; mais pas pour tous, éternelle querelle ! Le répertoire va puiser aussi bien chez Cedar Walton que chez Lee Morgan, Freddie Hubbard (j’ai adoré « Gypsy Blue » ), Chick Corea jeune (« Chick’s Tune »), Kenny Dorham et son tonique « Asiatic Raes ». Forme classique des genres donc, une fois le thème exposé, les chorus se succèdent, trompette en tête au son naturel et précis , la guitare, la contrebasse le 4×4 avec la batterie. Des arrangements personnels bien sûr et une affaire qui tourne rond ! La plage du Betey est sous le charme, l’eau est là, le soleil commence à se cacher et la musique apporte de quoi compenser la fraîcheur ambiante de cette fin juillet. On est très bien.
Fabien Mary : trompette / Fabien Marcoz : contrebasse / Paul Morvan : batterie / Gianluca Figliola : guitare
Tyreek McDole
Eric Coignat est content de son coup, il a pu faire venir à son festival cette étoile montante du jazz vocal américain. Il arrive de Marciac, part au festival de Nice, à celui de Toulon … Andernos joue dans la cour des grands, 57 ans que ça dure ! Pour moi ce sera une découverte comme le fut un soir au Rocher de Palmer celle d’un autre chanteur américain alors presque inconnu, celui qui porte une coiffe permanente. Ma comparaison avec celui-ci s’arrêtera là, on n’est pas vraiment dans le même registre. Tyreek est haïtiano-américain et vit à NYC. Avec sa voix profonde de baryton il a reçu le prix Sarah Vaughan en 2023. Son répertoire est original et il y explore des thèmes plus personnels et des réflexions spirituelles ou sociales. Il est d’ailleurs assez bavard, la barrière de la langue, même s’il articule parfaitement, étant un handicap pour beaucoup. Mais en plus il a quatre musiciens redoutables ! Un jeune pianiste ahurissant, un batteur tout aussi jeune, beau gabarit et percutant, un saxophoniste épatant et un contrebassiste efficace ; pas de simples accompagnateurs donc mais des vrais musiciens de jazz. C’est en effet du jazz, pas de la soul, ça sonne terrible, peu de ballades et en plus très profondes, des envolées superbes et cette voix ! On va en entendre causer de ce Tyreek McDole et bientôt son nom ne sera plus imprononçable.
Tyreek McDole : chant / Carleen Cardelo : piano / Dylan Band : saxophone / Daniel Finn : contrebasse / Gary Jone 3rd : batterie
Eric Coignat nous avait prévenu pour l’ouverture du festival, « du jazz, rien que du jazz ! » Il a tenu parole et on peut le féliciter d’une programmation qui en a balayé beaucoup d’aspects, satisfaisant aussi bien les spécialistes que les néophyts, mettant en valeur les talents régionaux, proposant des découvertes et des figures majeures. Une grande réussite que ce millésime. Au travail alors pour 2026 ! Merci à lui, à ses équipes et à la ville d’Andernos-les-Bains.
Fin.
Galerie photos de la soirée par Philippe Marzat