Les 24 heures du Swing à Monségur #1/2

par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat et PhD.

Depuis 35 ans le jazz envahit début juillet la bastide de Monségur. Mais cette année grand changement, la date est avancée d’une semaine. La raison majeure, le gros festival Garorock de Marmande qui monopolise le premier week-end de juillet, moyens techniques et humains. Réduction de voilure aussi, le festival, comme tous les autres, touché par des coupes budgétaires et l’augmentation de certains coûts a dû alléger son programme. Ainsi le concert du vendredi soir a été supprimé mais le festival s’ouvre tout de même ce jour-là.

Vendredi 27 juin 2025

Top Départ

19 heures, Les terrasses, sous les arcades de la bastide, qui entourent la halle s’animent, l’Affaire Swing trio et le Nola District Brass Band (des formations de musiciens de la région) lancent le festival en musique. Certains se lancent à danser à l’heure ou l’apéritif commence à couler. C’est parti ! Une heure plus tard on entend les éclats du Oyster’s Dissident Brass Band.

Le public arrive lentement, l’absence de concert va certainement pénaliser la fréquentation de ce vendredi soir malgré le bal animé par le quintet du pianiste chanteur Matthieu Boré. Danseurs du stage organisé l’après-midi et amateurs de danse vont ainsi occuper le plancher posé devant la scène de la halle pour du Swing, du Boogie-Woogie, du Lindy Hop, du R&B et autres chorégraphies.

Lisa Clarke et Fabien Vrillon, les deux professeurs du stage, nous offriront quelques démonstrations de leur talent, de quoi donner des idées aux danseurs… ou bien des complexes ! Ils pourront se perfectionner le lendemain avec un autre stage et un autre bal swing.

Dans la rue Barbe proche, les concerts et spectacles se succèdent. Du théâtre d’improvisation, des concerts des combos des jeunes des classes jazz du collège local et leur association https://jazzsegur.com/ vont faire vivre cette ruelle les trois jours.

Galerie photos du vendredi :

Samedi 28 juin 2025

Le soleil cogne depuis le matin, on cherche l’ombre mais même elle n’est pas suffisante. La place des Tilleuls s’anime avec les premières balances et le ballet des techniciens ; bravo à eux d’avoir si bien bossé ces deux jours sous une chaleur accablante. La halle s’échauffe au son des classes jazz du collège, une chance pour ces jeunes de jouer en public bien coachés par Christophe Gagner, Rémi Poymiro, François Mary leurs professeurs.

Un autre groupe mobile a rejoint les autres arrivés la veille, le trio Une affaire qui roule avec ses musiciens du sud des Landes. Action Jazz les connaît bien aussi, rencontrés aux festivals de Tarnos et Soustons.

Soul Kitchen

19h, Soul Kitchen se lance dans la fournaise ne ménageant pas son énergie malgré la chaleur, récompensé par le public qui danse au son des grands tubes de soul et de leurs propres compositions. Ce groupe de la région habitué des clubs bordelais a ici trouvé une belle tribune et un joli succès.

Rix & Wonderland

Changement de plateau pour accueillir Rix & Wonderland malheureusement en concurrence avec une affiche de rugby particulièrement attendue en Gironde et aussi à Monségur : Bordeaux-Bègles contre Toulouse, la guéguerre historique entre les deux capitales voisines. Pas le même public ? Pas sûr, on peut adorer le jazz et le rugby comme un certain Alex Dutilh… Jazz oui ici, avec des impros, des citations comme « So What » mais surtout soul et groove avec cette pulsation permanente initiée par la batterie et la basse qu’habillent Rix au chant et à la guitare, Xavier Duprat aux claviers et Jérôme Dubois à la trompette. Beaucoup de compositions originales, non sans influence de George Benson pour lequel Rix ne cache pas son admiration, mais aussi Marvin Gaye et surtout Prince dont le groupe maîtrise parfaitement la musique. Il fait toujours chaud ? Qu’importe la piste de dans (le goudron de la rue du Château) est pleine et le succès mérité. Jamais déçu avec eux.

Eric « Rix » Delsaux : chant, guitare, compos / Jérôme Dubois : trompette, bugle / Xavier Duprat : claviers / Pascal Fallot : basse / Olivier Léani : batterie.

Big Chief Juan Pardo & le Nala 7

Le match s’éternise, on joue les prolongations. Ici aussi ça continue de jouer, place à la curiosité du jour, le concert de Big Chief Juan Pardo et le Nala 7. On va avec eux se plonger dans une partie de la culture de Louisiane, celle des Black Indians, cette population issue d’un mélange entre les esclaves noirs et les populations amérindiennes. Deux peuples opprimés qui ont fraternisé et même plus, se sentant solidaires dans leur malheur. A New Orleans le spectacle de ces Black Indians vêtus de leurs lourds et beaux costumes colorés est très courant, chez nous c’est un évènement. Là-bas ils sont nombreux à la fois sur scène, ici le chef Comanche est le seul doté de son costume emplumé orange vif, les musiciens qui l’accompagnent étant français. Faire venir toute une troupe depuis New Orleans est complexe et cher ! Mais le Nala 7 de circonstance est un rassemblement de spécialistes du genre, parmi lequel on reconnaît Gaëtan Martin (Crawfish Wallet) au trombone ; il séjourne plusieurs fois par an là-bas. Musicalement, à l’image de la capitale de la Louisiane, c’est un melting pot, du second line mais aussi de la soul aux accents de James Brown, du reggae, du latino avec une reprise adaptée de Chan Chan (Buena Vista Social Club), du funk, des passages de rock où je reconnais le riff de « In a gadda da vida » (!) et même du rap pour finir ! On est loin de ce qu’on appelle le Jazz New Orleans, on est dans les musiques qui se jouent désormais là-bas. Ambiance de fête menée par cet homme orange – rien à voir avec celui de Michel Jonasz – public ensorcelé par ce sorcier indien plein de verve, une belle découverte et un très bel et joyeux moment.

Dernier rappel, la musique s’arrête… pour aussitôt recommencer au pied de la scène. Il est plus de minuit mais la fête continue, le Oyster’s Dissident Brass Band remet les watts, immédiatement rejoint par le Nala 7 encore bien chaud ! Et c’est parti pour une parade en second line vers la halle ou s’achève le bal swing avec les Swing Shouters.

Quelle joie cette traversée de la ville en pleine nuit sous un climat Louisianien ! A la halle attend le Nola District Brass band pour une jolie battle qui se terminera autour de la traditionnelle garbure !

Demain sera un autre jour, à suivre…