Concert In The Groove, Jazz and beyond
Lacanau, 26 août 2025.
Par François Laroulandie
Après le pianiste Rolando Luna qui sest produit hier, deuxième soirée jazz dans le cadre du Festival MusicalOcean avec le saxophoniste Vincent Lê Quang, le violoncelliste François Salque, le guitariste Fédia Amice, et la contrebasse de Baptiste Archimbaud.
Une formation née de la rencontre entre François Salque, directeur artistique du festival et lun des plus talentueux représentants de lécole française de violoncelle, en soliste ou musique de chambre, diplômé de lUniversité de Yale et du Conservatoire de Paris, et Vincent Lê Quang, saxophoniste et compositeur au parcours éclectique, classique, jazz ou musique contemporaine, virtuose de limprovisation qui se produit dans les salles prestigieuses, enseignant au CNSM de Paris.
Avec eux, deux jeunes musiciens talentueux ; le guitariste en pleine ascension Fédia Amice qui se produit en trio ou quartet sur les scène hexagonales, et le contrebassiste Baptiste Archimbaud qui a intégré à dix-sept ans le Berklee College of Music puis le CNSM de Paris et se produit sur les scènes parisiennes. Deux instrumentistes que nous allons découvrir ce soir.
Salle comble à lEscoure, ce soir encore le tout-Lacanau a répondu présent. Entrée sur scène de Vincent Lê Quang, Fédia Amice et Baptiste Archimbaud. Une première partie en trio avec un standard pour commencer, ‟Segmentˮ de Charlie Parker, introduit par un chorus de saxophone ténor qui promet de beaux moments d’émotion. C’est l’occasion de faire connaissance avec ce guitariste qui part dans un solo magique et complexe, teinté de douceurs mélodiques, un très long solo éclatant de liberté, seul au monde avec son instrument, et sur lannonce dune cascade de notes prolongées appelle ses deux complices à le rejoindre en une harmonie collective éclatante qui sachève en un souffle rauque de saxophone. En suivant une composition inspirée de la sculpture de Agustìn Cardenas ‟La porte d’eauˮ située à Passy en Haute Savoie : ‟Totemˮ introduit par une brève improvisation de Fédia Amice, où la richesse de jeu de Vincent Lê Quang soutenu par une rythmique sans faille signe sa maîtrise de l’instrument.
Vincent troque maintenant son ténor pour un soprano pour ce standard be-bop de Theolonius Monk écrit pour Bud Powell en 1947, ‟In Walked Budˮ. Les cordes à l’unisson dans leurs registres respectifs façonnent un cocon sonore enveloppant dans lequel le saxophone s’exprime en toute liberté, des phrasés enlevés, cela virevolte et nous emporte dans une fougue de légèreté. Le soprano est sans doute linstrument préféré de Vincent qui lui donne toute la mesure de son talent, cela se voit et sentend et le public y est sensible.
François Salque très attendu fait son entrée, installe son violoncelle et ses partitions, pour cette deuxième partie en quartet. Cest dabord une délicatesse infinie de glissandos, caresses ténues, temps suspendu, et cest lexplosion virtuose, la fougue qui emporte tout en torrents d’émotions, ce violoncelle prolongement de soi, le couple parfait. Et la guitare d’entrer dans le jeu, en catimini, entraînant à sa suite la contrebasse, puis le sax ténor, à l’unisson autour du thème joyeux de la composition ‟Let the cats danceˮ. Magistrale interprétation.
Le quartet entame une suite de compositions de Vincent Lê Quang, un arrangement sur ‟September of my yearsˮ, et l’on devait s’y attendre ce soir, suivi d’un hommage, ‟Le jazz et JS Bachˮ. Une structure en douze mesures, qui exprime une idée du blues, avec une forme de canon ( et pour que tout le monde comprenne bien de quoi il sagit, François Salque de mettre en place un canon avec le public sur Frères Jacques !). Mais cétait sans compter sur les effets dun océan déchaîné ce soir-là à quelques encablures de la salle de lEscoure. La houle cyclonique a mélangé les accords de blues, il y a des rouleaux entre les mesures, et ça tangue et ça roule en accords virtuoses, un grand moment de musique façonné dimprovisations inspirées.
Une composition cette fois du guitariste Fédia Amice, ‟Samba Lunaˮ, démonstration magistrale de sa capacité, à partir d’une chose simple, à la dérouler en déclinaisons à l’infini. Vraiment une belle découverte pour moi qui le découvre ce soir, ce musicien qui apporte ici ses sonorités électriques au sein dune formation acoustique.
Le dernier morceau, sur un thème de Astor Piazzola est un régal, entre la pureté du timbre du soprano solo en chant ténu chargé démotion, les arrangements où la facture classique nest jamais loin, les accents de guitare rock auxquels répond un violoncelle échappé en toute liberté, cest de lénergie pure, et le sax au souffle impressionnant nest pas en reste non plus. Magistral !
Au rappel, posé par les cordes pincées de François Salque et les harmoniques de Fédia Amice, un thème de valse de Birelli Lagrène, ‟Made in Franceˮ. Et puis retrouver la nuit canaulaise où l’océan gronde, avec ce sentiment de légèreté d’avoir vécu un grand moment de musique.