CALGAREAL

 » Vanishing Points »

par François Laroulandie

https://www.calgareal.ca/

Le projet CALGAREAL est l’aboutissement de la rencontre artistique entre deux mondes ; ceux de Calgary et Montréal, deux univers aux caractères différenciés : Est et Ouest, golfe du Saint-Laurent et montagnes Rocheuses. Le violoniste français résidant au Canada Jeremy Gignoux a imaginé cette formation de huit musiciens compositeurs avec pour projet de façonner une alchimie créatrice entre univers musicaux particuliers ouverts sur la diversité et sur le monde. Là réside le cœur vivant de ce magnifique album ; une véritable auberge espagnole, chacun apportant sa personnalité au travers d’une composition à partager avec le groupe pour en faire une œuvre collective originale. Huit musiciens (Aurélien Tomasi, Mathieu Langlois, Jeremy Gignoux, Jiajia Li, FOONYAP, Sébastien Leblanc, Hugo Blouin, Robin Tufts) mettent en oeuvre une pléiade d’instruments allant de la clarinette, sax tenor et soprano, guitare, violon, viole, flûte, piccolo, percussions variées, voix, Wurlitzer…de quoi susciter notre curiosité.

Le titre de l’album « Vanishing Points » _points de fuite_, évoque la convergence des perspectives, la fusion, les horizons infinis. Influences assumées, inspirations sans présupposés, les pièces ici jouées nous emmènent avec éclectisme entre traditionnel français, paysage italien, flamenco andalou, sentiments du théâtre chinois, en passant par des expériences sonores originales, l’improvisation ou la contemplation. Un voyage musical qui explore les identités, les particularités, pour en exprimer l’universel lien, ponctué de brèves étapes en dialogues improvisés entre musiciens de Calgary et de Montréal, rencontres en complicité à deux voix.

Dès la première plage « Le cercle », l’écoute nous entraîne dans l’univers trad. de la ronde circassienne. Annoncée par le violon, une plongée dans l’univers festif de la danse, entraînés par la rythmique marquant les pas, portés par la ritournelle entêtante et joyeuse du piccolo. Puis vers 3’ changement de rythme : une transition introduite par guitare et saxophone qui s’achève sur les cordes frottées de la contrebasse et nous entraîne vers les intonations échevelées des Balkans.

« Dialogue 1 » : brève rencontre free entre violon et clarinette

« La Soupe » : soutenu par un rythme binaire aux accents rock, un joyeux mélange de voix, parodie aux accents loufoques, transcription mélodique d’un discours de D. Trump mêlé à l’anciens messages publicitaires des soupes Campbell (évocation de Queen ?). On appréciera le magnifique solo de violon de Jeremy Gignoux, soutenu par une rythmique basse efficace.

« Il Lago Accanto » : une superbe composition de Aurélien Tomasi inspirée par la contemplation d’un lac italien ; une atmosphère de sérénité, avec en point d’orgue la superbe prestation aux accents free de Mathieu Langlois à l’alto.

« Dialogue 2 » : fulgurances improvisées entre percussions et contrebasse à l’archet.

« Mood Music » : une improvisation inspirée exprimant les émotions humaines (le calme, l’ennui, la joie, l’égoïsme, la confusion, la compassion) qui nous plonge dans l’univers sonore du théâtre chinois. Dépaysement assuré.

« Dialogue 3 » : magnifique duo guitare flamenca et dizi (flûte traversière chinoise).

Sur « Danza » : après une belle intro empreinte de douceur (guitare, flûte puis violon), nous sommes emportés par le dialogue entre le sax soprano de Aurélien Tomasi tout en délicatesse aérienne et fabuleuse guitare flamenca de Mathieu Langlois.

« Dialogue 4 » : guitare acoustique et violon en complicité.

« Point de Fuite » : une évocation nostalgique de temps révolus, d’après-midi de guinguette en bord de Marne (sax soprano) ; l’originalité des rencontres mélodiques et instrumentales.

« Here, There, Now, Then » est une improvisation évocatrice des vies passées, une errance dans les souvenirs enfouis, carnaval instrumental aux sentiments enchevêtrés.

En conclusion, un superbe album à la croisée des chemins, mariage réussi de la diversité instrumentale, entre compositions originales et improvisations inspirées, qui tisse des liens entre influences séculières et couleurs d’un jazz moderne. Une belle surprise à découvrir dont j’ai aimé l’éclectisme et l’ouverture aux musiques du monde.